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Photo du rédacteurMaï Brass

Mamy Jolie

Elle est assise prêt de la fenêtre mais ce n'est pas la beauté de la vue qu'elle a en tête. Elle est à côté de son livre mais les mots se mélangent quand elle l'ouvre. En 1930 est née une petite fille qui devint la femme d'un gentil mari. Femme de son temps, elle utilise le sien à bon escient.


Le jour de ses 20ans, elle a présenté son amant à ses parents. Quelques années plus tard, ils avaient 6 enfants. « Mais cinq à la fois » ajoute-elle. Elle était, est et restera une excellente maman. Aujourd'hui, les petits ont bien grandi. Ils ont leur propre nid, desquels les petits des petits sont partis pour se construire encore un nid avec les petits des petits des petits.

Elle est allée chez les couturières parce que c'était la guerre. Elle m'a appris à tricoter avec la nostalgie du temps où c'était son métier. Elle a fait passer son savoir à un tas d'enfants avant d'être maman. Finalement, ce n'est pas le français qu'elle a enseigné. Mais ses connaissances, elle les a partagées. Cet hivers-ci, je ne l'ai pas vue avec ses aiguilles... Peut-être qu'elle n’avait juste pas envie...


Elle n'a pas fait le tour du monde mais elle a vu du pays. La mer, la montagne et même des crocodiles, avec Sophie. Elle s'est baladée, elle a visité, que ce soit au hasard avec son mari ou bien programmé avec ses amis. Elle a voyagé, elle a profité. Elle le fait encore un peu, parfois, avec ses filles. Mais ce n'est pas pareil, elle se sent vielle. Depuis une mauvaise chute, ses voyages ont changé de but. Maintenant, ce sont surtout ses amis qui viennent à elle, « Oh oui, que la vue était belle ! ». Les endroits où elle n'est pas allée, elle aime bien les imaginer.


Elle a préparé des diners, des soupers, des buffets, elle a fait la fête ! Elle a passé de folles journées et soirées à jouer, chanter et danser, c'est beau l'amitié ! Puis elle a dû quitter son quartier, elle a dû s'éloigner. La distance n'empêche pas de se voir une fois par ci, une fois par là mais ce n'est pas le même... Une constante : ses copines et elle, elles s'aiment. Plus de voiture, moins d'aventure. Il reste quelques soupers auxquels elle ne peut plus trop manger parce que son estomac la met parfois dans un drôle d'état. Elle écoute les conversations mais elle a souvent du mal à donner son opinion. Dans le brouhaha, tout le monde n'entend pas sa petite voix.


Sa maison lui manque, Saint Germain lui manque. Ce n'est pas là que tout a commencé mais elle s'y plaisait. Elle y serait bien restée si sa bâtisse ne devenait pas une difficulté. C'est à une autre famille d'en profiter, tout a été transformé. Je cite Carl car je ne saurais mieux le dire : « comment ont-ils pu vivre dans la puanteur de nos souvenirs ? ». Entre un chien fou et le catéchisme des petits bouts, tellement de chose s’y sont passées que je pense ne pas avoir assez d'un cahier pour les résumer.


Résumer... Elle a lu, mon dieu qu'est-ce qu’elle a lu! Je pense qu'elle connait toutes les histoires du monde. Ses étagères sont pleines de pages, regroupées en romans de tous genres. Sa table de nuit aussi. Même sa table basse est remplie. Elle lit toujours mais l'histoire s'efface avant d'avoir correctement pris une place dans sa mémoire.


Elle est assise près de la fenêtre, mais ce n'est pas la vue qu'elle a en tête... Elle est à côté de son livre mais les mots se mélangent quand elle l'ouvre... En 2017 vieillit une dame née en 1930. Le temps n'arrête pas de passer. Ma mamy est super fatiguée.




 

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