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Leçon N°1

Il a 10 ans. Cela fait maintenant cinq semaines qu’il revient tout seul, en bus, de l’école. Il se sent grand. Aujourd’hui, il a appris en classe que « tous les êtres humains naissent libres et égaux en droit » et ça l’a rassuré. Il avait peur parce qu’il aime bien sa nouvelle voisine. « Elle n'est pas née ici, elle est gentille... Et elle est jolie » avait-t-il confié à son papy. C’est le seul au monde qui le sait. S’il entend son secret dans la bouche de quelqu’un d’autre, il sera vraiment en colère... Mais soit.


Ça l’a rassuré parce que, quand il va chercher sa voisine pour jouer, il voit les parents, l’air inquiet, au milieu d’un tas de papiers. Son amie lui a expliqué : une histoire de simili de carte d’identité pour pouvoir rester... Ça avait l’air compliqué. En attendant le bus, il imagine la tête de sa copine quand il lui dira : « Hé, en fait, je crois que ça va ! Tous les êtres humains naissent libre et égaux en droit, c’est des types qui ont décidé ça il y a longtemps... Mais la maitresse dit que c’est toujours d’actualité. Alors vous pouvez rester ici, il n'y a pas de raison de vous inquiè... ». Un homme l’interpelle dans sa divagation.

- S’cuse moi, garçon !

- ...

- Ta maman t’as sans doute dit de ne pas parler aux inconnus, mais t’aurais pas une feuille et un Bic® ? C’est pour noter un truc. Je vois que tu es écolier...

L’enfant le dévisage, avec son air le plus adulte possible. Il retire son cartable de son dos, en tire une feuille et un stylo-bille et les donne à l’homme.

- La prochaine fois, pense à en prendre chez toi..., dit le gamin d’un ton peu sûr.

- J’ai pas de chez moi.

L’enfant ne sait pas quoi répondre. Il regarde l’homme retranscrire quelque chose d’initialement noté dans le creux de sa main gauche. Il relit et écrit une information que contenait sa main droite. Le petit attend. Il n’ose pas bouger. L’homme le lui rend son Bic® et plie la feuille. La curiosité l’emporte sur les recommandations.

- Mais euh... Pourquoi t’as pas de maison ?

L’adulte regarde l’enfant dans les yeux. D’abord froidement puis son visage se réchauffe.

- Parce que la vie n’est pas si simple, petit. Pour faire court, je n’ai jamais été riche, mais ça ne fait pas si longtemps que je suis vraiment pauvre. Je n’ai pas fini l’école parce que mon père est décédé. À l’époque, c’était pas trop grave de ne pas finir alors j’ai préféré travailler, pour qu’on puisse rester dans la maison. J’étais enfant unique. J’ai trouvé un travail à l’usine, mais pas de femme. Maman est décédée, l’usine a fermé,... Et toujours pas de femme... Je t’épargne la partie administrative, sept ans après m’être retrouvé seul, je n’avais plus de maison. Voilà. Merci pour la feuille. 

Et il s’en va, sans demander son reste.


« Tous les êtres humains naissent libre et égaux en droit... », pense encore une fois le garçon. Le bus arrive, il va s’asseoir à la fenêtre, côté trottoir. Il regarde la ville défiler... Il se dit qu’il devra demander à sa maitresse pourquoi certains ne sont pas libres de rester ici et pourquoi d’autres n’ont pas le droit de garder leur maison. Il veut être sûr d’avoir bien compris avant d’annoncer une fausse bonne nouvelle...


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