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S'appelait-elle Charlotte ?

Elle tire toujours cette tête là. Ce n'est peut-être pas celle qu'elle veut tirer mais c'est celle qui ressort. En même temps, changer les sacs poubelles et balayer les couloirs, ça n'inspire pas des tas d'expressions faciales différentes. Par contre, les autres, ceux qu'elle voit tous les jours, ils sont un arc-en-ciel de ressentis. Un mélange de personnalités, d'espoir et de peurs secrètes. Eux, ce sont les centaines d'étudiants qu'elle croise tout au long de la journée. Cinq jours par semaine pendant dix mois par an. Elle aurait bien voulu en avoir fait partie de ceux-là. Elle aurait pu, elle aurait dû,...


Elle, c'est une des « techniciennes de surface » du bâtiment d'Hazinelle. Elle s'occupe surtout du cinquième étage, avec une collègue africaine qui a arrêté de rêver depuis longtemps. Sur son lieu de travail en tout cas. Peut-être qu'une fois en dehors de cette énorme boite à élèves, elle n'est pas si aigrie. Revenons à Elle. Elle est encore jeune, tellement de choses peuvent encore lui arriver. Dans son regard, on lit la ténacité qui la mènera un jour de l'autre côté de ce foutu fossé social. Du côté où on ne met pas d'uniforme pour aller au travail, où on a pas mal au dos tous les soirs en rentrant à la maison et où on peut proclamer le nom de sa profession sans craindre la réaction de son interlocuteur.


Elle a l'air fatigué. Plus qu'une autre jeune de son âge. Elle n'est pas vraiment jolie mais, de toute façon, la plupart du temps, personne ne la remarque... Un petit coup de mascara et de rouge à lèvre le matin lui suffise pour que son image se sente bien. Elle déteste son uniforme bleu, même si les baskets sont confortables. Elle aimerait bien lâcher ses cheveux pour que tout le monde voit comme ils sont beau et long... Mais ça la gênerait dans sa mission alors elle se contente de choisir la plus belle de ses pinces. Quand elle tire son chariot le long des murs des classes semi-vitrées, seul le sommet de son crâne dépasse avec ce petit palmier de cheveux vite coiffé.


Elle ne passera pas le reste de sa vie dans Hazinelle à nettoyer les mêmes carrelages encore et encore. Comme certaines de ses collègues, aspirées dans ce tourbillon de propreté. Ce n'est pas son destin, elle a d'autre chose à faire.




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