Il n’y en a plus qu’un. Il n’y a plus que lui. Tous les autres sont partis. Avant, il y avait de la vie ici. Du bruit, des cris, de l’action. Il avait des voisins, des presque collègues. Des amis, peut-être. Un par un, ils sont tombés. Ils ont fermé ou déménagé. Maintenant, l’endroit est désert, presque glauque. Les portes d’entrée dysfonctionnent, la lumière est pâle, ça ne donne pas envie de s’attarder. La galerie est devenue un raccourci.
A chaque fois que je le croise, je me demande s’il me reconnait. J’ai presque envie de le saluer. Pour lui, je ne suis sans doute qu’une silhouette en plus. Quelqu’un qui ne fait que passer, qui n’achètera rien. Comme des centaines de personnes, je rentre d’un côté et je sors de l’autre. Parfois, les jours de pluie, ce couloir devient un abri pour quelques dizaines d’étudiants pendant leur temps de midi. La jeunesse… Tous différents et tous les mêmes… Je suppose que ça le distrait. Ou, peut-être qu’il s’en fout. Encore combien d’années avant la retraite ? Un jour, il foutra le camp, lui aussi. Et il ne remettra plus jamais un pied ici. Ou bien, peut-être qu’il y passera tous les jours. Je ne sais pas.
Et puis, qu’il y aura-t-il ensuite ? Une longue série de boutiques vides, décorées par les ouvriers de la ville pour tenter de masquer la réalité des commerçants ? Tout change, tout le temps. La ville se transforme, encore. Des bâtiments disparaissent, d’autres jaillissent du sol, comme par enchantement. Au milieu, il y a eux. Il y a nous. Il y a lui. On se croise, on se jauge, on s’observe. Les années passent. Du coin de l’œil, je vois des enfants grandir et des vendeurs qui vieillissent. Certains font partie des meubles. Toujours au même endroit au même moment. D’autres ne font que passer. Tous ces visages, ces gens que l’on connait sans connaitre. « Le gars de chez ceci », « la fille de chez cela ». La ville ne doit pas sa beauté uniquement à ces bâtiments. Au milieu, il y a eux, il y a nous. Il y a les gens.
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