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Photo du rédacteurMaï Brass

7, 9, 11

J’ai souvent l’impression de croiser les sept mêmes personnes. Pas vous ? Ou peut-être sont-elles 9 ou 11. En tout cas, elles ne sont pas moins de sept. Elles ne sont pas non plus un nombre pair. Sinon, il n’y aurait pas d’homme, ni de femme, du genre « éternel.le célibataire ». Alors, je vous entends déjà râler en lisant ces propos :

« Non, je ne suis pas d’accord ! Moi je pense que chaque personne est unique parce que chaque vie est unique ! » C’est sûr, je ne peux donner tort à aucun de vous... Mais quand même !


Un peu comme si... les milliers d’enfants qui naissent chaque jour, malgré la variété de leurs prénoms et de leurs horizons, pouvaient être classés en un nombre impair et peu élevé de catégories de bébés. Après, chacun d’entre eux vit des expériences qui finissent de les façonner, durant des années. Jusqu’au jour de leur décès où ils sont prêts pour l’étape d’après. Alors, évidemment, tous les parcours sont différents. Personne n’a les mêmes souvenirs que son voisin. Les aventures que nous vivons sont nos singularités. Alors, d’accord, on est tous différents. Mais ce qu’on ne contrôle pas, ce qui est plus fort que nous, ce qui inspire des phrases du genre « tu parles exactement comme Machin ! » ou « excusez-moi, je vous ai pris pour Truc », là, on est tous le sosie de quelqu’un pour quelqu’un d’autre. L’originalité s’efface.


Et ça va au-delà de la ressemblance physique. Regarde les gens autour de toi, chacun d’entre eux. Ils ne te font pas tous penser à quelqu’un que tu connais déjà ? Regarde la manière dont elle bouge ses mains en parlant, regarde la façon dont il balance ses bras quand il marche... Et puis, toi aussi tu connais un nerveux qui monopolise la parole pour être à l’aise et une fille d’apparence trop sage qui se met des cuites dès que le jour baisse. On est rangeable dans une catégorie, ce qui aide nos cerveaux à faire le tri. Ceux qui attendent le grand moment de leur vie sans jamais oser partir à l’aventure, ceux qui s’entendent bien avec tout le monde, ceux qui se sentent écorchés à vif à la moindre contrariété... Je ne dis pas qu’on ne peut avoir qu’une seule de ces caractéristiques à la fois, c’est juste que je pense que chacun d’entre nous en a une prédominante dont on ne peut se défaire. C’est celle qui se voit dans le fond de nos yeux, dans les quelques millièmes de secondes d’un regard surpris et qui trahit notre ressenti... Celle qui choisit les mots qu’on utilise, les gestes qu’on fait et nos réactions impulsives.


Tu vois ce que je veux dire ? Ce truc qui fait que certains se retrouvent toujours assis les jambes tordues, tandis que d’autres prennent tout l’espace. Cet instinct qui fait bomber le torse de quelques messieurs et lever le nez de quelques dames. Dans chaque ville, j’ai l’impression de voir les mêmes gens faire les mêmes choses. À mon avis, la mondialisation n’a pas aidé, loin de là. Elle a noyé nos cultures. Et donc, dans toutes les villes du monde, il y a un groupe de minettes (une meneuse, une timide, une blagueuse et une anxieuse), qui regarde de loin quelques petits mecs (un trop gentil, un tombeur et un débrouillard) pendant que leurs parents (une casanière et un carriériste ?) finissent de travailler et préparent le souper. Ou, à peu près. C’est là que ça change. Comme je le disais, toutes nos vies sont différentes. C’est de là que nous vient l’impression de faire partie d’un énorme mélange alors que nous sommes juste 7, 9 ou 11 à ne pas arrêter de nous croiser tous les jours.


Ou bien je suis en train d’écrire n’importe quoi et, si tout le monde se ressemble, c’est parce que tout le monde est fait pareil... On n’échappe pas à son destin ni au genre humain. Peu importe notre horizon, on marche de la même façon (au propre comme au figuré). La vie nous lance des piques auxquelles on réagit, c’est comme ça qu’on grandit. Ces aventures s’impriment dans notre esprit et sur notre corps, participent à l’élaboration de notre gestuelle, nous font réfléchir avant de parler et, parfois, transforment la lumière qui vient du fond de nos yeux.


Il a des tas de sortes d’oiseaux, mais tous ceux du même genre ont le même comportement... Je ne dis pas que c’est pareil pour l’Homme, c’est juste une piste de réflexion. Mais elle semble fausse...


Ce serait plutôt comme dans ce film, Before Sunrise. Quand le gars dit à la fille quelque chose comme « Je veux bien croire en la réincarnation, mais, avant, sur terre, on était combien ? Un millier ? Et maintenant, nous sommes des milliards. Pour se réincarner, les âmes ont dû se diviser. Alors nous ne sommes pas complets, nous sommes des fragments d’âme ».

Et si, à l’origine, il n’y avait que 7, 9 ou 11 âmes, perdues sur terre suite à un accident avec la lune d’un bus d’âmes en vacances vers Vénus ? La collision fut extrêmement violente, des passagers ont été propulsés par les fenêtres et beaucoup ont disparu dans l’univers. Peut-être qu’au début, elles sont restées groupées puis, vu leurs différents tempéraments, elles se sont séparées. Peut-être qu’elles sont rentrées dans quelques singes à gauche, à droite et que ces 7, 9 ou 11 singes sont rentrés chez eux tout pensifs. Et puis, peut-être que les âmes sont héréditaires. Du coup, peut-être qu’il y a de plus en plus de singes pensifs, qu’ils se sont posé de plus en plus de questions et sont partis de plus en plus loin pour y répondre... Ou peut-être pas.


À force de se mélanger, chacun d’entre nous a un peu des bouts des 7, 9 ou 11 premières, mais une part de ce gâteau d’âmes est plus ample que les autres. C’est pour ça cette dame, là-bas, me fait penser à ma madré et que je me reconnais dans celle assise derrière moi, les jambes croisées et qui bouge son pied, comme je le fais, en tenant d’une main son cahier. S’il y en a qui doutent de ce que je dis, mes amis : arrivez partout quinze minutes en avance et attendez sans votre GSM en main, regardez en face de vous au passage pour piétons, regardez sur les côtés dans la file du supermarché, bref, prenez votre temps et observez les gens. Regardez la façon dont elle rit et la position qu’il prend quand il lit. Et puis, on connait tous quelqu’un de trop gentil ou, à l’inverse, quelqu’un qui ne pense qu’à ses envies.


Ou bien, serions-nous tous la même personne ?



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